À quoi tu sers - Jean-Jacques Goldman



Tu parles, parles, c'est facile, même sans y penser
Les mots, les mots sont immobiles, triés, rangés, classés
Laisse aller, laisse-les jouer
Se cogner, te séduire
Sensualiser, te bouger
Quand ça veut plus rien dire
Swinguer les mots, les mots, sans ça
On va les rétrécir
Swinguer les mots, ne surtout pas
Toujours les réfléchir
Les mots, l'émo, l'émotion vient
Les mots font l'émotion
Coûte que coûte, écoute-les bien
Rythmer nos déraisons
Les sons, les sons, laissons-les rire
Faut pas les écouter
Juste pour éviter le pire
On va les déchaîner

À quoi tu sers ? Pourquoi t'es là ?
Qu'est-ce que t'espères ? À quoi tu crois ?

Y'en a qui meurent, qui prient pour un morceau de terre
Y'en a qui risquent leur vie pour passer la frontière
Y'en a qui bronzent et d'autres s'font la peau plus claire
Certains s'effraient au fond quand d'autres font des affaires

Mais y'a toujours la Lune qui s'méfie du Soleil
Et quand tout ça changera, c'est pas demain la veille
Certains smatchent ou labourent, d'autres soignent ou bien peignent
C'est à toi, c'est ton tour : qu'est-ce que t'as dans les veines ?

À quoi tu sers ? Pourquoi t'es fait ?
Terminus Terre, un seul ticket

Y'en a qui grimpent en l'air pour un peu plus d'silence
Y'en a qui vivent sous terre où ça hurle, où ça danse
Y'en a qui pointent des comptes, quand d'autres comptent les points
Y'en a qui lèvent des croix pour ceux qui n'y croient pas
Y'en a qui pincent des cordes, y'en a qui frappent des peaux
Certains import-exportent ou bien se jouent des mots
Y'en a qui s'font des billes quand d'autres tombent les filles
Certains ne donnent qu'aux hommes, mais d'autres n'aiment personne

Mais y'a toujours la Lune qui s'méfie du Soleil
Et quand tout ça changera, c'est pas demain la veille
Y'en a qui courent une vie pour gagner deux dixièmes
À présent c'est ton tour : qu'est-ce que tu nous amènes ?

À quoi tu sers ? Pourquoi t'es fait ?
T'as la lumière, et puis après ?