Elle avait les lèvres pincées
En anus de gallinacée
Moi j' rangeais ma gratte, mes affaires
A la fin d'un concert
L'est v'nue m' parler d'une d' mes chansons
Où j'avais dû dire "bite" et "con"
Peut-être même "couille", enfin des mots
Qu'on trouve dans les dicos
J' pense qu'elle s'était d'ailleurs
Trompée d'endroit et d'soir
Les gonzesses en tailleur
Ça vient rar'ment me voir
Bref elle m'a dit ceci
Comme si j'avais été
Une crotte sur son tapis
Un ch'veu gras dans son thé:
"Dans vos s sommaires
Vous visez au plus bas
Monsieur vous êtes vulgaire
Je ne vous salue pas"
L' a tourné les talons
Toute fière et tout' seule
Moi j' l'ai rapp'lée: "Ah non
Tu t' fous d' ma gueule!
Dire "foutre" et "cul" c'est p't-être osé
Tout c' que tu veux leste, salé
Mais la vulgarité ça n'a
Rien à voir avec ça
C'est par exemple mettre sans broncher
Mille ouvriers sur le pavé
Tandis qu'en bourse tes actions montent
Et n' pas en avoir honte
C'est comme à Managua
N'offrir aux filles haves
En zone franche là-bas
Qu'un salaire d'esclave
C'est réduire à plus rien
L'aide minable déjà
Qu' la vieille qui tend la main
Espère chaque mois
C'est limer les crédits
De l'école publique
Et tant pis pour qui vit
Dans des quartiers merdiques
C'est dire comme certains
Qu' c'lui qu' est dans la misère
C't au fond qu'il le veut bien
Ça c'est vulgaire
Vulgaire tu vois pour moi c'est pas
Bouffer ses nouilles avec ses doigts
Péter au bal de la duchesse
Ou t' foutre la main aux fesses
Mais c'est répandre l'idée abjecte
Qu' la méd'cine ça s' vend, ça s'achète
Qu' y en a donc une pour les rupins
Puis une autre pour les chiens
C'est polluer les têtes
D' nos rejetons mignons
Avec une cuture faite
Pour piquer leur pognon
C'est leur faire croire aux p'tits
Sans défense et tout beaux
Qu'le bonheur c'est Barbie
Coca, Mickey, Mac Do
Vulgaire c'est m'imposer
Sous couvert de commerce
D' la barbaque bourrée
D' hormones les plus diverses
C'est breveter la vie
Prendre l'eau bientôt l'air
Pour en tirer profit
Ça c'est vulgaire
Vulgaire c'est titrer à la une
Sur le mariage ou la fortune
Des stars, dents blanches et peau bronzée
Dans leurs ghettos dorés
Puis c'est affirmer haut et dur
Qu' ce monde conduit par des ordures
Est l' seul possible désormais
Et qu' j'ai qu'à m'écraser
C'est la raison d'état
Pinochet libéré
L'Afrique qui se noie
Le Tibet sacrifié
C' sont les maffias qui rient
De toutes leurs dents en or
Et c'est la barbarie
De la peine de mort
C' sont les enfants d'Irak
De Gaza de Timor
Qu'on étouffe et qu'on traque
Depuis dix mille aurores
C'est enfin commencer
Ce joyeux millénaire
Avec nos mains tachées
En acceptant la guerre
Et l'homme tel qu'il est
Sans refus sans colère
Sans l'envie de gerber
Ça c'est vulgaire!
Paroles et musique: Michel Bühler.
2000